Réussir : objectif, rêve ou simple illusion ?
Réussir sa vie, son couple, son métier, ses études, un devoir de classe… Quel qu’en soit l’objet nous avons naturellement tendance à positionner la réussite comme un objectif. Cette propension très largement répandue à pour conséquence de nous amener, in fine, à percevoir la réussite comme un rêve vers lequel l’on tend.
Notre focalisation sur l’objet de la réussite nous fait cependant bien souvent négliger le chemin qui peut nous y conduire.
En effet, en cas d’échec, notre déception et notre frustration sont alors bien souvent à la hauteur de l’investissement de notre rêve perdu. La réussite nous apparaît alors comme une pure illusion.
La réalité est cependant toute autre. Si la réussite peut s’avérer être un rêve voire une illusion, jamais elle ne constituera un objectif !
Une question de perception
Objectif et résultat : Deux notions complémentaires qui cependant s’opposent. De leur confusion naît alors une perception biaisée de la notion de réussite. En effet, réussir n’est pas un objectif, ni un but, mais un résultat, une conséquence.
Cette erreur de perception est à la base de la notion d’échec elle-même. Echec ou réussite ? Ce choix, quoique très binaire, n’en n’est cependant pas moins vrai. Nous sommes dans l’un ou dans l’autre. Jamais entre les deux.
La distorsion dont nous sommes alors inconsciemment victime, nous amène donc à engager des stratégies totalement inadaptées. En effet nous n’hésiterons pas à vouer temps et énergie à la poursuite d’un rêve ou d’une illusion. Autant parler d’un échec programmé !..
Les nombreuses raisons de cette distorsion résident principalement dans le fait que nous sommes prédisposés au rêve, au fantasme, qui nous permet de nous échapper d’une réalité parfois douloureuse. Prêts à voir opérer la magie ! Nous devenons ainsi, involontairement, le principal acteur de notre échec et de notre démotivation.
Dès lors, s’il convient de se concentrer sur le chemin qui y mène, le résultat apparaît comme le seul élément dont on aura plus à se soucier. En effet on n’agit pas directement sur un résultat. On l’observe. C’est lui qui nous renseigne sur la validité de notre démarche et des éventuelles corrections qu’il convient d’y apporter. Prenons pour preuve l’exemple d’un parent, soucieux par l’éducation qu’il apporte à son enfant, de voir celui-ci présenter un comportement susceptible de nous renseigner sur le fait qu’il se construit et s’épanouit. Le parent/éducateur est donc dans l’expectative d’un comportement attendu chez son enfant. La nature même de ce comportement constitue par conséquent le résultat d’une stratégie éducative qui va reposer sur les croyances et les certitudes du parent qui éduque.
Si le comportement de l’enfant n’est alors pas conforme à ce que le parent attend, ce dernier peut nourrir un sentiment d’échec. En effet la réponse comportementale inadaptée de son enfant peut alors faire naître des peurs chez le parent.
La peur de mal faire. De perdre le contrôle. La peur du dérapage… Toutes ces peurs vont activer la nécessité d’apporter rapidement une correction. Spontanément, le parent, déstabilisé par son sentiment d’échouer va généralement intervenir directement sur le comportement de l’enfant.
Il rééduque alors au travers de sa peur ou/et fragilise ainsi sa confiance en lui. Celui-ci bascule alors d’une attitude d’autorité naturelle et constructive, dans l’exercice du pouvoir.
En conséquence, il va contraindre l’enfant qui finira par se soumettre et adopter le comportement qu’on attend de lui. Le parent, qui exerce cette pression momentanée, va alors s’illusionner sur le fait que son enfant à appris, donc grandi.
La réalité montre très vite qu’une fois la pression relâchée, l’enfant se réinstalle tout naturellement dans son comportement de départ, toujours aussi inadapté aux yeux du parent. Il en résulte généralement le démarrage d’un rituel conflictuel qui peut durer très longtemps…
Le parent à positionné le comportement attendu, objet de la réussite de son acte éducatif, comme un objectif à atteindre. Une focalisation prématurée de sa part sur le résultat positif espéré quant-à la réalisation de l’objectif, constitue la raison même de d’un sentiment d’échec, déjà programmé.
En effet, appuyant sa stratégie éducative sur des croyances et des certitudes qu’il oublie de reconsidérer dans leur véracité ou leur pertinence, le parent néglige la démarche au profit d’une projection sur le comportement de son enfant.
Il omet ainsi de prendre en compte la possibilité qu’il peut faire reposer sa démarche sur des croyances ou des certitudes fausses.
Ces dernières, qui constituent l’ossature même de l’acte du parent, vont inévitablement amener ce dernier à un l’échec porteur d’un double effet majeur.
Le premier effet réside dans le fait que le parent, qui pouvait au départ se trouver dans une attitude de saine autorité, sereine et propice à l’apprentissage, va basculer dans l’exercice du pouvoir, propice à l’illusion d’apprentissage.
Si l’autorité nous est conférée par le simple fait d’exister, il va de soi, cependant, que nous sommes très inégaux face à manière dont nous allons la mettre en œuvre.
L’autorité naturelle du parent construit l’enfant et permet ses apprentissages. Le pouvoir, en revanche, contraint et soumet dès qu’on a atteint chez l’enfant, son seuil de peur.
L’enfant donne alors l’illusion d’une compréhension et d’un apprentissage. Le relâchement de la pression permet en effet de constater très rapidement le retour du comportement jugé inapproprié par le parent.
Le second effet s’avère tout aussi redoutable. Le parent constatant que le comportement attendu n’est pas conforme à sa projection, n’hésite pas à le modifier en le rendant conforme à ses attentes. Que dire alors d’une expérience dont le résultat ne nous convient pas et que l’on modifierait de façon péremptoire afin qu’il nous rassure ou nous convienne ? Nous sommes encore dans l’illusion.
En conclusion nous comprenons qu’une hyper-vigilance de la part du parent sur la réussite de son acte, placée comme objectif, comporte un risque important de le mener à l’échec. Principal acteur d’une désillusion il participe ainsi lui-même à la fragilisation de sa confiance en lui, de son estime de lui. C’est sans compter le fait qu’il élabore inconsciemment sa propre stratégie de démotivation, conséquence directe d’une accumulation d’échecs inévitables.