La méfiance un poison violent
Il est de bon aloi de se montrer méfiant et prudent. Nous vivons dans une société qui, en effet, nous incite à être circonspects. Mais prudence et méfiance sont des notions si éloignées qu’il convient cependant de se montrer d’abord nous-mêmes, précautionneux des termes que nous employons, car un mot est toujours synonyme de conséquences. Méfions-nous plutôt des généralisations, si chères aux êtres bien-pensants et qui ne veulent que notre bien en nous emprisonnant insidieusement dans leur propre culpabilité, pour se sentir moins seuls…
Refuser de faire confiance à son enfant, c’est lui refuser la vie !
La méfiance du parent part souvent d’un bon sentiment. Celui de le protéger des dangers qui l’entourent ou des déconvenues prévisibles auxquelles il s’expose. C’est néanmoins lui refuser le privilège de l’expérience personnelle en s’illusionnant qu’il peut toujours se nourrir des nôtres et se dispenser par la même, de vivre réellement sa propre vie.
Lui faire confiance, c’est lui reconnaître au contraire, la capacité de réussir ce qu’il entreprend. La confiance parentale crée les conditions mêmes de la réussite de l’enfant et le positionne dans une énergie de vie sans pareil, comme la méfiance le cloue sur place.
Face au manque de confiance de son parent, l’enfant hésite entre trois alternatives :
La première est de refuser ce cadeau empoisonné qui traduit l’inconfort du parent lui-même et l’expression de ses propres limites. L’enfant regimbe, car lui, choisit la vie ! Il ne s’embarrasse alors pas de cette fausse charité et poursuit courageusement sa route, insensible, s’il est possible, aux souffrances de son parent. On le dira certainement égoïste et sans cœur !…
La seconde, la plus courante, est de s’empresser, bien involontairement, de la traduire dans son quotidien scolaire ou relationnel pour s’en débarrasser au plus vite. Autrement dit de la mettre en scène de façon conforme et de faire exister aux yeux de son parent, ce qui au départ, n’était encore qu’un fantasme ! L’inconvénient est toutefois qu’il renforce ainsi son parent dans sa propre fragilité et que son échec n’aura pour principale conséquence, que de persuader l’adulte qu’il est sur la bonne voie éducative !
La troisième enfin, est de faire un sourd écho à cette inquiétude parentale, à cette méfiance, en « l’absorbant » jour après jour, intégrant ainsi peu à peu un matériel des plus encombrant et des plus explosif lorsque, dix ou quarante ans plus tard, il se libérera de ce venin, au prix parfois d’une magistrale dépression. D’une bienheureuse dépression dirons-nous, puisque ce jour-là, il choisira la vie, mais à quel prix !..
Etre prudent, certes ! Mais pourquoi méfiant ? N’oublions pas que notre méfiance n’est que le reflet fidèle du regard que nous portons nous-mêmes sur notre propre entourage ou sur le monde, et qu’elle parle de nous, avant tout…
Etre prudent, c’est donc se contenter d’alerter, de prévenir mais laisser libre l’autre de choisir son chemin. Si l’enfant trébuche, nous lui devons alors assistance et compassion, et non jugement ni procès d’intention, pas plus que de faire à sa place…
Alors, n’en déplaise à certains, oui, la confiance est un acte de foi, et probablement l’un des plus beaux qui soit !
A lire : De la confiance, Gildas Richard