J’ai décidé de vous faire une confidence, vous qui me lisez, vous qui me soutenez, vous qui m’accordez votre confiance en m’invitant au cœur de votre histoire familiale, en me racontant votre situation touchante voire émouvante, vous qui m’adressez des témoignages de reconnaissance. Pour tout cela je vous exprime ma plus sincère gratitude et je vais vous parler de manière intime de quelqu’un qui m’est particulièrement cher : Mon père.
Petit, j’imaginais mon père tel un porteur de lumière. Il avançait paisiblement sur un chemin qui m’était inconnu, et qu’il éclairait d’une lanterne fichée au bout d’un bâton.
Ses yeux pétillants semblaient me dire de ne pas avoir peur. Il arborait ce sourire indéfinissable qui dessinait les traits de la douceur et d’une bienveillance rassurante.
A ses côtés, ma mère. Accrochée à son bras. De l’autre, elle me tenait la main.Ils avançaient tous les deux d’un pas cadencé et régulier qui me laissait penser qu’ils savaient toujours où ils allaient. Il m’arrivait tout petit, de temps à autres, de lâcher la main de ma mère pour explorer les abords du chemin. Je m’écartais en écarquillant les yeux, tentant de percevoir ce qui pouvait se trouver au loin. Mais très vite la lumière s’estompait en s’éloignant et je retrouvais rapidement le chemin pour les rejoindre. Ils ne se retournaient jamais pour me rappeler ou m’avertir des dangers. Je me sentais libre d’explorer, de tester, d’essayer. Ils savaient. Ils savaient que très vite, je les rejoignais. Parce que je les aimais. Cela m’apparaissait comme une évidence rassurante.
Plus tard je m’enhardissais et poussais plus loin mes investigations. Toujours curieux de connaître et de découvrir ce qui pouvait se cacher en dehors du chemin, toujours plus loin… D’un regard de convoitise, je scrutais l’horizon, tentant de voir ce qui pouvait ce cacher au-delà. De l’autre, je ne lâchais pas mes parents qui continuaient d’avancer sans jamais se retourner. C’était comme s’ils devinaient que je finirais toujours par les rejoindre. Il n’avaient pas tord. Quand je voyais la lumière de la lanterne un peu trop s’éloigner, j’éprouvais toujours cet irrésistible besoin de me retrouver près d’eux. Je me remettais à l’unisson en attrapant la main de ma mère, essayant de caler mon pas sur le leur.
J’ai grandi dans ce sentiment de sécurité paisible. Je n’ai pas le souvenir qu’ils m’aient jamais interdit quoi que ce soit. Un regard me suffisait pour savoir. Je me sentais libre et pourtant à tout moment j’aurais pu me mettre en danger, ou partir, ou encore disparaître. Mais non, je revenais inexorablement vers la source, dès que la pénombre m’entourait. Je courais pour retrouver la lumière qui s’éloignait sur le chemin. Que pouvais-je faire d’autre ? C’est là que je retrouvais la douce chaleur rassurante dont j’avais besoin dès que la nécessité s’en faisait ressentir. Je me suis construit dans cette sécurité, et la confiance de mes parents qui semblaient n’avoir peur de rien. Quoiqu’il arrive, je savais qu’ils finissaient toujours par trouver une solution. Je les observais, je scrutais alors leurs moindres gestes, j’épiais leurs paroles. Je m’informais, tout en les écoutant et les regardant, de la manière dont on procède lorsqu’on est grand.Plus tard, j’ai définitivement lâché la main de ma mère. Je marchais à ses côtés, de temps en temps. D’autres lumières s’étaient allumées ailleurs et ma curiosité me poussait toujours plus loin. Je voulais savoir. Je voulais tout connaître. Ma vie s’est alors enrichie de nouvelles découvertes…
Je garde le souvenir d’une présence. Mon père s’exprimait peu mais il avait toujours quelque chose à me dire pourtant. Il me demandait plus souvent ce que je pensais qu’il ne me donnait de conseils. Son silence me parlait plus que des paroles inutiles. Son regard suffisait à me sentir ou non sur le bon chemin. Il demeurait simplement vigilent.
Mes parents se sont plus contentés d’être là que de remplir ma vie à ma place. Je n’ai pas le souvenir de les avoir vu jamais s’énerver ni crier. C’est du reste ce qui m’a semblé le plus motivant du modèle qu’ils m’ont donné. Cette force tranquille de l’adulte qui prend le temps de discerner avant d’agir m’a toujours paru enthousiasmante. Elle semblait leur donner comme une épaisseur. C’était un peu comme s’ils irradiaient. Il se dégageait d’eux une énergie dont je me gavais littéralement. Jamais je ne me suis senti alourdi par ce qu’ils m’ont donné. J’ai puisé le meilleur dès lors que cela me semblait utile ou motivant.C’est en les regardant, en les écoutant, que je me suis peu à peu fait une idée de la façon dont fonctionnait le monde des grands. Je me surprends encore aujourd’hui à leur ressembler dans ma manière de réagir face aux circonstances de ma propre vie.
Je les trouvais beaux et forts. Je voulais être comme eux. Au début. Puis j’ai grandi. Je n’ai plus voulu alors leur ressembler. Je voulais être moi. C’est au moment où j’ai commencé à entrevoir d’autres lumières au loin et sur le bord du chemin que j’ai esquissé mes premiers pas sans crainte de les voir s’éloigner. J’avais alors le sentiment qu’ils suivaient un chemin qui n’était plus le mien.Le temps a passé et je suis aujourd’hui un homme dans la force de l’âge. J’ai bien conscience que tout n’a pas pu être aussi idéal. Mon esprit a bien sûr fait le tri.
Il me reste cependant le souvenir d’une énergie. J’ai conservé les images les plus belles et les plus motivantes du modèle qu’ils m’ont donné à voir au cours de mon enfance.
Les autres, je les ai oubliées…
Cette lanterne, j’en ai héritée et de par mon métier, j’essaie d’éclairer votre chemin pour que vous puissiez à votre tour avec votre propre flambeau guider vos enfants avec cette même autorité naturelle.
Je terminerai avec la citation de Roy Lemon Smith, « N’oublions pas que les enfants suivent les exemples mieux qu’ils n’écoutent les conseils. »
Alors n’attendez pas, n’attendez plus, il n’est jamais trop tard ! Osez devenir le parent que vous souhaitez être au plus profond de vous !
Et de votre côté, qui vous a guidé dans votre enfance ? Et vous, quel guide souhaitez-vous être pour vos enfants ?